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Le suicide, deuxième cause de décès maternels en France en 2013-2015

Postée le 26/05/2021

Chaque année en France, 50 à 100 femmes décèdent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit une tous les quatre jours en moyenne. Santé publique France et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ont publié en début d’année les résultats du sixième rapport de l’enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) pour la période 2013-2015. Elle révèle que les suicides sont la deuxième cause de décès maternels (13 %), après les maladies cardio-vasculaires (14 %) [1].

Une mort maternelle constitue un décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou jusqu’à un an après l’accouchement. La méthode de recueil et d’analyse des données que propose l’ENCMM permet d’évaluer les conditions de survenue de ces décès et d’estimer la proportion de ceux évitables. Pour cette sixième édition, conformément aux recommandations internationales [2], les suicides ont été inclus dans l’enquête.

Entre 2013 et 2015, 262 décès maternels ont été identifiés en France (87 femmes décédées par an). Le ratio de mortalité maternelle (RMM) de 10,8 décès pour 100 000 naissances vivantes est stable par rapport aux deux périodes précédentes (2010-2012 et 2007-2009) et se situe dans la moyenne européenne.

Selon l’enquête, dans 66 % des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux et 58 % des décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables » en améliorant la prévention, l’organisation des soins, et les soins eux-mêmes. En plus des facteurs de risques que sont l’âge et l’obésité, l’enquête montre qu’il existe de grandes disparités sociales et territoriales :

  • Le contexte social : 26,5 % des morts maternelles sont survenues chez des femmes présentant au moins un critère de vulnérabilité socio-économique ; cette proportion est d’environ 40 % pour les femmes décédées de suicide ou de maladie cardio-vasculaire.
  • Le pays de naissance : être née hors de France est un facteur de risque reconnu de mortalité maternelle en 2013-2015. La mortalité des femmes migrantes est plus élevée que celle des femmes nées en France, surmortalité particulièrement marquée pour celles nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 2,5 fois plus élevé.
  • Le lieu de résidence : deux zones se distinguent par un niveau de mortalité maternelle plus élevé, les Drom et l’Île-de-France. Les femmes résidant dans les Drom présentent un risque multiplié par quatre par rapport à celles de métropole. En France métropolitaine, l’Île-de-France se distingue avec un RMM supérieur de 55 % à celui de l’ensemble des autres régions.

Pour conclure, les auteurs formulent trente messages clés ciblant des éléments à améliorer. S’agissant de la santé mentale mater-nelle, ils préconisent :

  • un interrogatoire ciblé de la femme enceinte, qui doit être renouvelé régulièrement durant le suivi prénatal et en post-partum ;
  • le recours au psychologue et/ou au psychiatre systématique en cas de repérage de symptômes d’alerte, surtout s’il y a une modification brutale et/ou durable de l’état mental de la femme (variations thymiques, troubles du sommeil, anxiété, crises d’angoisse, verbalisation d’idées noires ou d’auto dépréciation, modification brutale du contact) ;
  • en cas de troubles psychia-triques connus ou découvertsau cours de la grossesse, la mise en place d’une collaboration multidisciplinaire le plus tôt possible pour adapter le traitement et suivre son respect ; évaluer la capacité de la mère à investir et à s’occuper de l’enfant pendant la grossesse et en période de post-partum ; informer la patiente et son entourage que la période du post-partum est à risque de complication psychiatrique et qu’il ne faut pas hésiter à consulter ;
  • en cas de pathologie psychiatrique connue, l’importance d’élaborer un parcours de soins spécifique coordonné entre la maternité, le psychiatre référent et le médecin traitant, et de le tracer ;
  • une sortie de suites de couches retardée en cas de doute sur un trouble anxieux ou dépressif ;
  • un suivi à domicile organisé pour sécuriser cette sortie (programme d’accompagnement du retour à domicile, hospitalisation à domicile, sage-femme libérale, service de protection maternelle et infantile, rendez-vous avec les professionnels de santé mentale).

 

Catherine Boisaubert

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[1] Santé publique France. Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles. www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/enquete-nationale-confiden... =Depuis%201996%2C%20l’Enqu%C3%AAte%20nationale,fran%C3%A7ais %20entre%201996%20et%202012

[2] Organisation mondiale de la santé. The WHO application of ICD-10 to deaths during pregnancy, childbirth and puerperium – 2012. www.who.int/reproductivehealth/publications/monitoring/ 9789241548458/en/